
Le Sénégal traverse un problème majeur concernant ses finances publiques, exacerbé par une gestion qui a conduit à une dissimulation d’une dette de 7 milliards de dollars (soit plus de 4 000 milliards de FCFA), une situation constatée par le Fonds Monétaire International (FMI) sous la présidence de Macky Sall. Cette question a été mise en lumière lors d’une mission du FMI au Sénégal, dirigée par M. Edward Gemayel, qui a eu lieu du 18 au 26 mars 2025.
L’objectif de cette mission était d’échanger avec les autorités sénégalaises à la suite des conclusions du rapport d’audit de la Cour des comptes, publié le 12 février 2025, qui a révélé des irrégularités majeures dans la gestion des finances publiques du pays durant la période 2019-2024.
L’audit de la Cour des comptes a mis en évidence des incohérences importantes dans les déclarations officielles des déficits budgétaires et de la dette publique, avec des écarts entre les chiffres officiels et la réalité des finances publiques. En particulier, l’encours total de la dette de l’administration centrale budgétaire au 31 décembre 2023 s’élevait à 18 558,91 milliards de FCFA, représentant près de 100 % du PIB, un chiffre bien plus élevé que celui annoncé par les autorités précédentes. Ce constat a mis à jour des dysfonctionnements dans la gestion des finances publiques et la transparence de l’information économique, avec des implications importantes pour la crédibilité du gouvernement et la confiance des acteurs économiques.
Face à cette situation, des solutions doivent être envisagées pour rétablir l’équilibre des finances publiques et garantir une gestion saine de l’économie nationale. Bien que le FMI n’ait pas proposé directement des solutions dans son point de situation, les autorités sénégalaises devront se pencher sur plusieurs pistes pour redresser la situation.
La recherche de financement à court terme
À court terme, le Sénégal devra impérativement trouver des solutions pour financer son déficit sans compromettre davantage la stabilité économique du pays. Une des options les plus immédiates consiste à se tourner vers le marché de l’Uemoa pour financer une partie de son déficit. Ce marché régional, bien qu’il offre une certaine protection contre le risque de change par rapport aux eurobonds, présente une capacité limitée en termes de ressources mobilisables. De plus, cette option implique de nouvelles émissions de dettes publiques qui doivent être accompagnées d’une gestion prudente pour éviter d’alourdir davantage la charge de la dette.
Cependant, cette solution présente un double défi : d’une part, le Sénégal devra mobiliser les ressources nécessaires pour financer son déficit tout en évitant de mettre une pression fiscale excessive sur les ménages et les entreprises ; d’autre part, la capacité du marché régional à fournir des fonds à des taux compétitifs est limitée, ce qui nécessitera d’évaluer d’autres avenues de financement.
Mobiliser l’épargne privée
Une autre option à court terme serait de mobiliser l’épargne privée, qu’elle soit nationale ou issue de la diaspora. Pour cela, il serait essentiel de proposer des produits financiers attractifs qui suscitent l’intérêt des ménages et des entreprises. Des instruments financiers, tels que des bons du Trésor ou des titres de créance, pourraient être émis à des rendements compétitifs pour encourager l’épargne. Cette stratégie pourrait également renforcer la résilience de l’économie sénégalaise en réduisant la dépendance au financement externe.
Pour que cette solution soit viable, le gouvernement devra créer des conditions favorables à l’investissement, en mettant en place des incitations fiscales et des garanties pour rassurer les investisseurs. Cela inclut la nécessité de renforcer la confiance dans la gestion des finances publiques et de garantir que les fonds mobilisés soient utilisés de manière transparente et efficace
Convocation des parties prenantes et solutions endogènes
Les autorités doivent convier les parties prenantes à la réflexion et accélérer le processus afin de faire émerger des solutions endogènes. Parmi celles-ci, des instruments comme la Diaspora Bond (obligations de la diaspora) ou les Patriotes Bonds (obligations patriotiques) pourraient constituer des alternatives viables pour mobiliser des ressources sans dépendre des institutions financières internationales. Ces instruments visent à mobiliser des fonds directement auprès des populations sénégalaises, qu’elles soient dans le pays ou à l’étranger, et à les impliquer activement dans le développement économique de leur pays d’origine.
Les Diaspora Bonds sont des titres de créance que les gouvernements émettent pour inciter les membres de la diaspora à investir dans leur pays. Pour le Sénégal, cela permettrait de canaliser une partie des fonds souvent envoyés sous forme de remises en argent vers des projets d’infrastructures ou des initiatives de développement à long terme. De même, les Patriotes Bonds peuvent être un moyen pour les citoyens sénégalais de contribuer à la redressement économique du pays en souscrivant à des obligations nationales, renforçant ainsi le sentiment de responsabilité collective. Ces solutions non seulement permettent de diversifier les sources de financement, mais elles renforcent également le lien entre l’État et ses citoyens, tout en limitant la dépendance à l’égard des institutions financières internationales qui peuvent parfois imposer des conditions restrictives.
Repenser le modèle économique à long terme
À long terme, la solution à la crise économique sénégalaise réside dans une refonte en profondeur du modèle économique du pays. Le Sénégal ne peut plus continuer à dépendre principalement des secteurs traditionnels tels que l’agriculture et l’exploitation des ressources naturelles. Une diversification économique est essentielle pour assurer une croissance durable et résiliente.
Le pays doit s’engager dans une stratégie d’industrialisation, en développant des secteurs stratégiques comme l’agro-industrie, les technologies de l’information et de la communication, ainsi que les énergies renouvelables. Cette diversification de l’économie permettra non seulement de générer de nouveaux emplois et de nouvelles sources de revenus, mais aussi de réduire la vulnérabilité de l’économie sénégalaise aux fluctuations des marchés mondiaux et aux chocs externes.
L’industrialisation doit également s’accompagner de réformes institutionnelles pour renforcer le climat des affaires, faciliter l’accès au financement pour les PME et encourager l’innovation. Il faudra en outre développer des politiques publiques pour soutenir la formation professionnelle et l’éducation afin de préparer une main-d’œuvre qualifiée, capable de répondre aux besoins de ces nouveaux secteurs économiques.
Améliorer la gestion des finances publique
Une autre priorité pour le Sénégal est l’amélioration de la gestion des finances publiques. Le rapport de la Cour des comptes a révélé des anomalies dans la gestion de la dette publique, notamment une sous-évaluation du stock de la dette. Cette situation met en évidence la nécessité de renforcer les mécanismes de transparence et de contrôle dans la gestion des finances publiques.
Le gouvernement devra mettre en place des systèmes de reporting rigoureux et renforcer les capacités des institutions responsables de la gestion de la dette, telles que l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) et le ministère des Finances. Une meilleure gestion de la dette permettrait de garantir la durabilité des finances publiques et de renforcer la confiance des partenaires économiques du Sénégal
Réformes fiscales et rationalisation des subventions
Sur le plan fiscal, il est crucial que le Sénégal réajuste ses politiques fiscales afin de les adapter à la réalité de son économie. L’un des axes de réforme doit porter sur la rationalisation des subventions, qu’il s’agisse de dépenses directes ou d’exonérations fiscales. Une telle rationalisation pourrait générer des économies tout en permettant une meilleure allocation des ressources.
Cependant, cette réforme doit être menée avec soin pour éviter des conséquences négatives pour les populations les plus vulnérables. Les subventions ciblées et les mécanismes de protection sociale doivent être préservés, en particulier pour les groupes les plus fragiles. Le défi réside dans l’équilibre entre la nécessité de réduire les déficits budgétaires et la protection des citoyens.
La réallocation vers des investissements productifs
Une solution importante pour redresser la situation économique du Sénégal serait la réallocation des ressources publiques vers des investissements productifs tout en réduisant les dépenses non prioritaires. En concentrant les dépenses sur des projets qui favorisent la croissance à long terme, tels que les infrastructures, l’éducation et la santé, le pays pourrait améliorer sa compétitivité et stimuler son développement. En parallèle, la réduction des dépenses non essentielles permettra de dégager des ressources supplémentaires pour financer les projets prioritaires, sans alourdir la dette publique
Renforcer la confiance et la gouvernance
La confiance des citoyens et des investisseurs est un élément clé pour surmonter la crise économique actuelle. Le Sénégal doit travailler à rétablir cette confiance en améliorant la transparence de la gestion des finances publiques et en renforçant la gouvernance. Cela passe par une plus grande ouverture sur les décisions économiques et un contrôle rigoureux des dépenses publiques.
Le gouvernement devra également dialoguer avec les acteurs économiques et sociaux pour apaiser les tensions et encourager la coopération. La participation citoyenne dans la gestion des affaires publiques et la lutte contre la corruption seront également des leviers importants pour restaurer la confiance et favoriser une reprise économique durable
En conclusion, le Sénégal se trouve face à un défi économique majeur. Les anomalies découvertes dans la gestion des finances publiques, notamment la dissimulation de la dette, révèlent des failles dans la gouvernance économique du pays. Toutefois, des solutions existent pour redresser la situation. À court terme, le financement du déficit devra s’appuyer sur des instruments régionaux et privés, tout en évitant une pression fiscale excessive. À long terme, le pays devra diversifier son économie, réformer son système fiscal et renforcer la gestion de ses finances publiques. La clé du succès réside dans la transparence, la bonne gouvernance et la capacité du Sénégal à créer un environnement économique stable et attractif pour les investisseurs.
MASTER EFQ
FASEG/UCAD
Comments (1)
Nancy Amarsays:
29 mars 2025 at 3:12 pmAvant tout je tiens à féliciter les étudiants en master EFQ de la FASEG.
Il faut éliminer les exonérations fiscales parce qu’elle n’aura pas de suivi. Je m’explique si l’Etat décide d’aider une entreprise en faisant exonération fiscale pour qu’elle embauche davantage d’employés pour diminuer le chômage, elle va embaucher des employés mais sur papier