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Trop, c’est trop: Plutôt mourir que de se déshonorer, le journaliste d’investigation René Capain BASSÈNE parle

Je m’adresse par cette lettre à toutes celles et tous ceux qui n’ont jamais douté de mon innocence et qui, depuis mon arrestation, ne cessent de me témoigner, chacun à sa manière, un soutien sans faille. Vous resterez à jamais dans mon cœur, et je vous adresse mes sincères remerciements. Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi.

En raison de mon emprisonnement, je suis devenu à la fois une charge sociale et un mendiant, contraint de tendre la main pour subvenir aux plus minimes de mes besoins. Après plus de 7 ans de détention, je vous informe que j’ai atteint la limite au-delà de laquelle il devient impératif de mettre fin à la situation que je vis actuellement.

Depuis la nuit du 13 au 14 janvier 2018, j’ai tout vécu. Atteinte à mon honneur, à ma dignité humaine, j’ai subi et enduré toutes sortes de tortures physiques, morales, psychiques et psychologiques. J’ai été humilié de manière inimaginable. Ma présomption d’innocence a été bafouée, et j’ai subi la méchanceté humaine dans toute sa brutalité : la loi du plus fort, qui, sans pitié ni scrupule, cherche à anéantir, détruire et écraser le plus faible simplement parce qu’il gêne. Je n’en peux plus, et voici les raisons.

Je rappelle que j’ai été arrêté à mon domicile, entre 2h et 3h du matin, lors de la nuit du 13 au 14 janvier 2018, par des éléments de la gendarmerie, tous encagoulés et lourdement armés, arrivés à bord de ce véhicule pick-up. J’ai été arrêté comme un vulgaire brigand de manière inhumaine. Bien que je n’aie opposé aucune résistance, j’ai été plaqué au sol, les mains menottées derrière le dos, battu et humilié devant mon épouse et mes enfants, dont l’aîné venait à peine de commencer sa sixième année. Cela n’a été qu’une tentative pour me contraindre à leur remettre des armes que, selon leurs dires, je détiendrais et qui seraient cachées dans ma maison.

Après une fouille infructueuse, j’ai été placé dans un de leurs véhicules. Après m’avoir bandé les yeux, le cortège s’est élancé vers une destination inconnue, car je ne voyais absolument rien de ce qui se passait autour de moi. Du 14 au 17 janvier 2018, j’ai été placé en garde à vue dans des toilettes insalubres, bouchées et couvertes d’une épaisse couche de poussière. Des asticots en sortaient, et une odeur nauséabonde régnait. J’y ai été introduit nu, les mains et les pieds menottés. J’y ai alterné entre être couché et assis à même le sol.

Je devais être constamment vigilant à cause des asticots, et je ne pouvais pas fermer l’œil à cause des moustiques, des fourmis et des souris qui perturbaient mon sommeil 24 heures sur 24. Il existe des personnes qui peuvent témoigner de ce que je suis en train de raconter. Je ne pouvais pas être placé dans la cave, car une certaine dame, Yama Diédhiou, habitante du village de Toubakuta, avait également été arrêtée et mise en garde à vue dans le cadre du même dossier. C’est devant elle que le commandant Diallo m’a ordonné de me déshabiller avant de me menotter à nouveau.

À l’intérieur, j’ai rencontré un certain Omar Sané, de nationalité gambienne, devenu par la suite un grand activiste pro-Yaya Jammeh, surnommé Baye Doulaye. Nous avons partagé ma première nuit. Il est actuellement incarcéré ici à Ziguinchor. Il peut témoigner, et je suis prêt à participer à une reconstitution des faits sur les lieux. Je n’ai omis aucun détail. Pour me forcer à signer le procès-verbal d’enquête, j’ai été battu. Un coup violent m’a perforé le tympan droit, et du sang a coulé de mon oreille. Je n’imaginais pas à l’époque que ce serait le début d’un handicap que je traînerais toute ma vie. Depuis ce jour, mon oreille droite ne m’entend plus. J’ai également reçu des décharges de matraques électriques sur mes parties intimes. Jamais je n’ai ressenti de telles douleurs.

J’ai relaté tout ceci à la barre.

 Lors de ma garde à vue, j’ai été complètement coupé du monde. Je ne pouvais recevoir aucune visite, pas même celle d’un avocat. Faute de pouvoir obtenir de faux témoignages pour m’incriminer, les gendarmes en charge de l’enquête ont convoqué mon épouse. De 16h à 23h, elle a été terrorisée et torturée pour la forcer à m’accuser d’être membre du MFDC et à fournir de faux témoignages contre moi. Elle a même été menacée d’être emprisonnée pour complicité avec moi.

Pendant ce temps, à la maison, mes enfants m’attendaient, dont le dernier n’avait que deux mois. Seule sa sœur, âgée de 17 ans à l’époque, était avec eux. J’étais un véritable indésirable. Face aux gendarmes, je n’avais droit qu’à un maigre reste de leur repas tous les deux jours. Le 19 janvier 2018, vers 13 heures, j’ai été transféré à la Maison d’Arrêt et de Correction (MAC) de Ziguinchor. C’est le début d’un autre acharnement, cette fois de la part de certains magistrats. Le procureur et le juge d’instruction rivalisaient dans leurs mesures et sanctions que seul le temps pourra un jour expliquer. Moins d’une semaine après mon incarcération, mon salaire a été suspendu et mon compte épargne bloqué sur ordre du procureur. Ma famille a souffert de cette situation, et la vie de mes enfants a failli être compromise.

Quant au juge d’instruction, il a décidé de me priver de visites dès mon entrée à la prison. J’ai été interdit de recevoir des colis pendant un an. Mon épouse n’avait pas le droit de m’envoyer de nourriture ni de vêtements. Il m’était interdit de téléphoner à mon épouse, de consulter un livre à la bibliothèque de la prison, ou même d’assister à la messe. Ce n’est qu’avec l’intervention du prêtre aumônier que, sous escorte et surveillance, j’ai pu assister aux messes du jeudi.

J’étais devenu un mendiant à l’intérieur de la prison, au point où certains surveillants, pris de pitié, m’ont offert des vêtements, car je ne portais que des haillons. Ce n’est qu’en 2021 que j’ai commencé à pouvoir passer des appels. À partir de 2020, j’ai été autorisé à recevoir uniquement ma femme ainsi que mes frères et sœurs issus du même père et de la même mère. Après juin 2022, mes visites ont été élargies à mes parents, tantes, oncles et cousines portant le même nom de famille que moi. Ce n’est qu’en 2023 que j’ai enfin pu recevoir la visite de mes amis et voisins. Ce fut une période extrêmement difficile, et personne ne s’est réellement soucié de mon sort.

D’ailleurs, lors d’une conférence de presse tenue le jour suivant mon transfert, le procureur m’avait désigné comme le cerveau de la tuerie survenue le 6 janvier 2018 dans la forêt de Boffa Bayot. J’ai été condamné avant même le début de mon procès.

Je suis devenu pour eux un « bon à rien », un objet sur lequel on pouvait exercer toute la violence et l’injustice qu’ils voulaient, quand ils le voulaient. L’acharnement a continué.

Le 30 juin 2020, j’ai été entendu sur le fond de mon dossier. L’audience s’est déroulée dans un climat tendu entre mon avocat et le juge, car celui-ci m’avait interdit de manger et de boire. De 10 heures du matin à minuit passé, j’ai été privé de nourriture et d’eau, tandis que le juge, de temps en temps, s’accordait de l’eau. Face à cette torture, mon avocat a fini par claquer la porte et quitter le bureau du juge aux alentours de 22 heures. Le juge m’a libéré à minuit, me laissant épuisé, et j’ai pu enfin manger et boire de l’eau à 1 heure du matin, lorsque j’ai réintégré ma cellule.

Mon avocat et ma famille peuvent en témoigner, je l’ai relaté à la barre. Le juge lui-même ne l’a jamais nié, et il ne peut d’ailleurs pas le nier. Il savait qu’il avait en face de lui l’objet René Capain Bassène, sur lequel il avait tous les droits. De toute façon, il m’avait condamné avant l’heure. Lors de son interrogatoire, il a évoqué la question des mails que j’aurais envoyés à Ousmane Tamba, un membre de l’aile extérieure du MFDC, lui demandant d’intervenir. J’ai contesté la paternité de ces mails, qui n’étaient que des captures d’écran enregistrées sur une clé USB. Je lui ai demandé d’ouvrir ma messagerie, car mon mot de passe y figurait dans le dossier. Les derniers à manipuler et sécuriser mon adresse e-mail, à entrer dans ma messagerie, étaient les gendarmes enquêteurs. Je lui ai demandé de procéder à l’expertise de mon e-mail et de mon téléphone portable. Il a refusé. Mon avocat a insisté pour qu’il accède à ma demande, qui aurait pu faire éclater la vérité. Il a refusé, me privant ainsi de tout élément scientifique ou technologique pour me défendre et prouver mon innocence. J’étais condamné avant même le procès.

Mon avocat a donc porté une requête auprès de la chambre d’accusation pour demander l’ouverture de ma messagerie ou, à défaut, qu’une expertise de mon e-mail et de mon téléphone soit effectuée. À ma grande surprise, la chambre a rejeté ma requête, empêchant, elle aussi, la vérité d’éclater. J’étais condamné avant même le procès, et il fallait absolument que cette situation perdure. Mon avocat a porté la requête devant la Cour Suprême, sans succès. La Cour, contre toute attente, a rejeté ma demande. Je me suis retrouvé totalement isolé, sans moyen de prouver mon innocence ni de contester l’authenticité des mails qui ont été utilisés pour m’enfoncer et me condamner.

En janvier 2021, tous ceux qui avaient été accusés par les gendarmes enquêteurs et le procureur d’avoir assisté à des réunions préparatoires de la tuerie sous mon initiative ont, curieusement, obtenu un non-lieu. Au fond de moi, je me suis dit que la vérité commençait à émerger. Il n’y a jamais eu de telles réunions entre moi et ces individus, que j’avais rencontrés en prison. Si des réunions préparatoires de la tuerie avaient effectivement eu lieu, ils n’auraient pas bénéficié d’un non-lieu.

Ma victoire a été de courte durée, car une requalification des charges pesant sur moi est intervenue, car il fallait absolument que je sois sacrifié, coûte que coûte. Je suis passé de l’accusation d’être le cerveau de la tuerie de Boffa Bayotte à celle de complice par instigation d’assassinat, de tentatives d’assassinat et de participation à un mouvement insurrectionnel. Un jeu de mots, car le fond reste le même : je serais, ou je suis, selon eux, celui qui a orchestré la tuerie de Boffa Bayotte, afin que je sois finalement condamné.

Du 21 mars au 7 avril 2022, mon procès s’est tenu, et le verdict a été prononcé le 13 juin 2022. Tous ceux qui avaient été accusés d’être les auteurs du crime, ceux que, selon les gendarmes enquêteurs et le procureur, j’aurais armés, coordonnés et envoyés tuer les coupeurs de bois, ceux-là même qui, toujours selon le procureur, ont été géolocalisés par les services de la Sonatel sur les lieux du crime grâce à leur téléphone portable, ceux qui, d’après le procureur, ont été formellement identifiés et reconnus par les rescapés, ceux que j’aurais appelés pour les féliciter d’avoir commis le massacre — ces personnes, dont les charges étaient bien plus lourdes que les miennes, ont été acquittées.

Finalement, ces individus ne sont pas responsables du meurtre. Ils n’ont pas tué, donc je ne les ai jamais envoyés tuer. Mais l’acharnement a continué de plus belle. Je suis désormais déclaré complice du chef rebelle César Atoute Badiatte, prétendant que c’est moi qui l’aurais incité à tuer les coupeurs de route. Je suis condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité d’assassinat. César Atoute, jugé par contumace, est, lui aussi, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, assorti d’un mandat d’arrêt international prononcé publiquement par le juge au moment du verdict.

Le coup a été jugé et a parfaitement réussi. Le coup a été joué et a parfaitement réussi. Il fallait trouver un commanditaire pour la tuerie de Boffa, une personne à sacrifier. L’agneau du sacrifice était bien trouvé, il se nomme René Capain Bassène, journaliste d’investigation et écrivain spécialiste du conflit en Casamance. C’est lui, le diable, le danger public, l’ennemi du peuple sénégalais, le sanguinaire, l’assassin, le méchant, le meurtrier, etc. Il mérite la prison à vie.

Tout a été mis en œuvre pour tenter de faire passer mon emprisonnement comme un grand succès des gendarmes enquêteurs et des magistrats en charge du dossier. Ce qui leur a, à coup sûr, valu ou leur vaudra une promotion professionnelle. César Atoute Badiatte et moi avons été condamnés le 13 juin 2022. Le 5 août 2023, César Atoute Badiatte a signé des accords de paix avec les hautes autorités du Sénégal, alors qu’il était sous le poids d’un mandat d’arrêt international.

Comment se fait-il qu’il ait pu signer avec eux alors qu’il est activement recherché par la justice?
Pourquoi ce double jeu ?

Que valent les décisions de justice dans notre pays ?

Existe-t-il des hors-la-loi ou des dessous de la loi ?

Les décisions de justice ne s’appliquent-elles qu’aux faibles ?

Est-il possible qu’il existe une justice à deux vitesses ?

Pourquoi les décisions de justice dans le cas précis du dossier de Boffa Bayotte sont-elles ignorées, foulées aux pieds par les mêmes autorités chargées de les mettre en exécution ?

J’ai toujours clamé mon innocence, et je ne cesserai jamais de le faire. J’ai été accusé à tort, jugé et condamné pour complicité d’assassinat. César Atoute a été jugé par contumace, condamné, et un mandat d’arrêt international a été lancé contre lui.

La logique voudrait que les décisions de justice soient appliquées pour permettre à la vérité d’éclater et me permettre de prouver mon innocence. Mais j’ai compris que je suis victime d’une machination politico-judiciaire, et que ma condamnation n’est qu’une forme de prise en otage, destinée à me faire taire et à briser ma plume, car je suis journaliste d’investigation, gênant et dérangeant pour certains.

Ils m’ont mis en prison pour me détruire à petit feu, pendant que certains acteurs de la justice, chargés du dossier, pouvaient aveuglément faire croire au public sénégalais qu’ils étaient activement en train de me rechercher, ainsi que César Atoute Badiatte, pour le faire arrêter et le juger, tout en faisant croire aux Sénégalais que toutes leurs recherches demeuraient vaines et qu’ils ignoraient toujours où se trouvait César Atoute Badiatte, qu’ils étaient toujours en train de le traquer.

Des individus, dénommés acteurs de la paix, étaient en contact régulier avec lui. Ils savaient où il était, ils le voyaient, ils discutaient avec lui sous la coupole des plus hautes autorités étatiques. Ils l’ont protégé, couvert, refusé de le dénoncer ou de le livrer à la justice. Ils l’ont caché, car le document contenant les accords de paix signés le 5 août 2022, soit un peu plus d’un mois après sa condamnation, a révélé cela.

Le premier contact avec César Atoute Badiatte date du 12 juin 2019. Il a eu lieu en Gambie. Pourtant, le 30 juin 2020, le juge d’instruction avait lancé contre lui un mandat d’arrêt international, car, selon ses déclarations, toutes les recherches pour l’arrêter avaient été vaines.

Le deuxième contact a eu lieu les 4 et 5 novembre 2020 à Tambacounda.

Le troisième contact a eu lieu le 16 décembre 2020 à Tambacounda.

Le quatrième contact a eu lieu les 8 et 9 avril 2021 à Praia, au Cap-Vert.

Le cinquième contact a eu lieu le 14 juillet 2021 à Praia, au Cap-Vert.

Le sixième contact date du 17 au 18 novembre 2021 à Bissau.

Le septième contact date des 4 et 5 août 2022, sanctionné par l’accord de paix signé le 5 août 2022 par César lui-même avec la délégation envoyée par les hautes autorités du Sénégal. Un accord de paix fortement relayé par les médias nationaux et internationaux. Le 6 août, le président Macky Sall a tweeté pour se féliciter de cet accord. Activement recherché par la justice, il est en même temps devenu le principal interlocuteur et est devenu l’interlocuteur privilégié des hautes autorités sénégalaises.

Pendant ce temps, on continue de me garder en prison et l’acharnement judiciaire des magistrats en charge de mon dossier se poursuit avec une ampleur encore plus grande.
Le 27 juillet 2024, lors de mon procès en appel, les magistrats sont restés fermes sur leur position. César Atoute Badiatte demeure toujours introuvable. Nul ne sait où il se trouve, même s’il est activement recherché depuis 2018.

Cette fois-ci, en plus d’être aveugles, ils sont devenus sourds, car ils doivent être les seuls à ne pas être au courant que César a signé un accord de paix avec les autorités du Sénégal le 5 août 2022. C’est sans doute parce qu’ils sont à la fois sourds et aveugles que ceux qui ont signé les accords de paix n’ont été aucunement inquiétés. Mon emprisonnement à perpétuité a été confirmé pour complicité d’assassinat et de présumé meurtre.

Celui qui a été jugé et condamné va tranquillement à ses occupations, tout comme ceux qui ont refusé de le dénoncer. Ce qui leur importe, c’est de condamner René Capain Bassène. Même pour la question des mails que j’aurais envoyés à Ousmane Tamba, non seulement ils n’ont présenté aucun mail, sous forme de réponse, mais Tamba, à qui j’aurais envoyé 28 mails, n’a fait l’objet d’aucune tentative de poursuite judiciaire. Celui qui les intéresse n’est rien d’autre que ma petite personne.

Comment expliquer cette justice à deux vitesses ? L’histoire récente de notre pays a montré que la justice sait réagir quand il le faut. Dans le cas de l’avocat Juan Branco, ceux qui étaient accusés de l’avoir aidé à entrer dans le pays ont été arrêtés et mis en prison pour recel de malfaiteurs. Ceux qui ont protégé et couvert César Atoute ont été célébrés comme des héros, félicités par tout le monde. Les magistrats en charge du dossier ont-ils pensé aux familles des victimes qui veulent savoir qui a tué leurs proches ?

Je me souviens aussi de l’PM Ousmane Sonko, qui était activement recherché par les magistrats en charge de son dossier, mais qui est demeuré introuvable, bien qu’il ait été confiné de force chez lui. Sa maison était barricadée, et il était sous haute surveillance par les forces de l’ordre qui le surveillaient 24 heures sur 24. Pour ce cas précis, nous avons tous constaté la mobilisation des organisations de défense des droits de l’homme et même de dignitaires religieux qui ont élevé la voix pour condamner l’attitude de ces magistrats et des autorités.

Mais attention, René Capain Bassène n’est pas Ousmane Sonko, il est considéré comme un sous-humain, sans aucun droit à faire valoir. Il n’est pas nécessaire de se prononcer sur son cas. On n’est pas là pour plaider en faveur des faibles. Un silence qui en dit long.

Qui est René Capain Bassène ?

Je ne suis pas un membre du MFDC, je ne l’ai jamais été.

Je défie quiconque de prouver le contraire.

Je ne connais pas, et je n’ai jamais connu, la forêt de Boffa Bayotte. Je n’ai jamais envoyé couper du bois.
Jamais je n’ai acheté de bois, que cette forêt soit la plus dense ou la plus désertique sur terre, cela n’a aucune incidence sur mon vécu.

Qu’aurais-je donc à gagner en faisant assassiner des coupeurs de bois ?

Pour y gagner quoi ?

Qui suis-je pour donner des ordres à un chef rebelle pour qu’il tue des coupeurs de bois ?

Depuis 2003, j’ai consacré de manière exclusive toutes mes activités de recherche à la problématique du conflit en Casamance.


L’objectif était de chercher à comprendre pourquoi ce conflit perdure et comment y trouver des solutions.
Et ces questions, j’ai tenté d’y apporter des réponses à travers mes livres, mais mon unique souci est de contribuer, à ma manière, à la résolution de la crise en Casamance.

Mes ennuis avec certains acteurs et lobbies ont commencé quand j’ai terminé mon enquête sur les différents crimes politico-économiques liés au conflit en Casamance, de 1983 à 2017. Ils se sont empressés de me cibler, mes ennemis, dès que j’ai conclu mon autre enquête sur les différents réseaux de trafic illicite qui prennent de l’ampleur en Casamance, favorisés par le climat d’insécurité engendré par le conflit armé. Je veux parler du développement de l’économie de guerre.

Mon travail, mes recherches sur ces sujets ont dérangé de nombreux acteurs. Je ne divulguerai pas le résultat de mes enquêtes. Nombreux sont ceux qui craignaient que je les publie. Je suis assez responsable. Les informations que j’ai recueillies m’ont permis d’avoir des idées sur comment parvenir à la paix, car j’ai compris beaucoup de choses.

Avant mon arrestation, j’ai subi toutes sortes de menaces et de tentatives de corruption à travers des propositions très alléchantes d’intégrer un des lobbies vivant du conflit. Dieu m’a aidé à résister et à rester indépendant.

À qui profite mon arrestation ? Pas aux Sénégalais, en tout cas, car je ne suis pas un danger public. Qui se réjouit de mon emprisonnement ? Pas les familles des victimes, mais ceux qui vivent du conflit. Il y a des gens que je dérange.

J’ai compris que, sans le savoir, je me suis attaqué à des lobbies très puissants et à leurs intérêts. J’ai affaire à un système. C’est ce système qui s’est retourné contre moi pour me broyer. Pour ce faire, ils m’ont collé un dossier judiciaire et, après avoir bafoué tous mes droits, ils ont réussi à me maintenir en prison.


Parmi les 25 personnes arrêtées, je suis le seul condamné pour complicité. Complice de qui ou de quoi ? Ils veulent prendre ma vie, ils vont la détruire. J’ai décidé de leur donner cette vie et de m’écrier : Gloria Victis, heureux vaincu, heureux opprimé. Je ne peux plus garder espoir, car la justice continue de chercher César Atoute Badiatte. Ils risquent de ne jamais le retrouver, et la vérité ne pourra jamais éclater. Je ne peux plus espérer qu’un jour les autorités de mon pays exécutent une décision de justice. Elles ne cessent de la bafouer en signant des accords de paix avec César.

Je suis donc l’agneau du sacrifice, que je le veuille ou non, et que vous le vouliez ou non. Je ne peux placer aucun espoir dans les organisations de défense des droits de l’homme. Ma situation est un non-événement pour elles. Je suis un homme sans droits. Après la publication de cette lettre, je commencerai une diète noire pour mettre fin à l’injustice que je vis depuis plus de 7 ans.

Que ceux qui ne me comprennent pas essaient de se mettre à ma place. Moi, je les comprends parce qu’ils ne sont pas dans ma situation. Ils ne peuvent pas nier, pour m’aider à sortir du pétrin. J’ai tenu bon jusqu’ici, mais je sens mes forces m’abandonner. Tout ce long récit vise à expliquer ma décision de mettre fin à ma détention, à ma manière.

La prison détruit l’homme et retarde tous les aspects de sa vie, surtout lorsqu’il s’agit d’une longue détention pour un crime ou délit qu’on n’a pas commis. Je refuse de rester un témoin passif de la déchéance de ma vie. Cela fait plus de 7 ans que je suis en prison, et ma santé se détériore. Depuis mon opération ratée pour tenter de réparer mon tympan droit, je me sens très mal.

Je ne peux pas tout détailler sur mon état de santé, mais je ne me sens plus moi-même. La prison tue à petit feu, la longue détention te broie lentement. Pour ceux qui ne me comprennent pas, je veux dire que, persister en prison pour quelque chose qu’on n’a pas fait, c’est se détruire. Les cas de Mamadou Dia et de l’Imam Dao en sont des exemples flagrants.

Donc, dois-je rester jusqu’à ce que je meure ou que je sois complètement détruit pour réagir ? Je n’ai plus de vie, ma vie n’a aucun sens. Mes enfants ne me connaissent même pas, et je vieillis, avec une santé qui, depuis quelques années, se détériore constamment.

Il y a parfois de l’espoir, mais en ce qui concerne mon dossier, l’espoir semble de plus en plus lointain. Ils ont décidé de me sacrifier, ils sont en train de me sacrifier. Ils sont déterminés à me détruire. Je ne peux relater dans cette lettre toutes les sévices que j’ai subis. Malgré les nombreuses contre-vérités et vices de procédure relevés dans mon dossier, je suis condamné. Je suis en train d’être rongé par l’injustice et la justice à deux vitesses que je subis. Je souffre intérieurement et je ne cesse de souffrir, nuit et jour, de l’injustice dont je suis victime. Il faut être victime d’une injustice pour comprendre ce que je vis.

Certains qui ont vécu des situations similaires à la mienne sont sortis de prison invalides, malades et affaiblis. Ils sont devenus une charge pour leur famille. D’autres sont morts quelques mois après leur libération. Il existe une différence d’attitude entre un détenu condamné pour un délit qu’il a commis et un détenu condamné pour un délit qu’il n’a pas commis. Le premier, même s’il a publiquement nié les faits, supportera tranquillement son emprisonnement. Dans son subconscient, il reconnaîtra le fait et acceptera sa peine. Le deuxième, convaincu de son innocence, ne supportera jamais sa condamnation. Dans son subconscient, il ne pourra jamais accepter la décision de justice. Ce refus d’accepter, cette impossibilité d’accepter sa condamnation, le rongera, le torturera, l’anéantira, le détruira et même le tuera à petit feu.

C’est ce que je vis depuis le 13 janvier 2018. J’ai atteint le summum.

C’est pourquoi j’ai jugé bon de m’ouvrir à vous, de vous alerter et de vous informer de la décision que j’ai prise afin d’éviter de vivre et de connaître une fin déshonorante, car je ne le mérite pas, et je n’ai rien fait de mal pour le mériter. Face à la lâcheté humaine, je suis accusé à tort. Ils ont réussi à me maintenir en prison, ils sont déterminés à me détruire. Leur principal objectif est de me faire taire à jamais et de briser ma plume. Je ne me laisserai pas déshonorer. Je ne supporte plus de rester en prison pour un crime que je n’ai pas commis. Je ne supporte plus la détention arbitraire dont je suis victime. Je ne supporte plus la machination politico-judiciaire dont je suis l’objet. Je refuse encore une fois de rester le témoin passif de la déchéance de ma vie. J’ai décidé de mettre un terme à l’injustice que je subis depuis bientôt 8 ans.

Non, je ne resterai pas à perpétuité en prison pour un crime que je n’ai pas commis. Mon seul « péché » est d’avoir enquêté sur le conflit casamançais. Tout a été mis en œuvre dans ce dossier pour cacher la vérité et pour me condamner. Je vais mener mon combat intime, mon ultime combat contre l’injustice et cette justice à deux vitesses dont je suis victime.

Je ne céderai pas. Je vais engager ma vie dans cette lutte, et je vais bientôt entamer une diète noire illimitée. Je vous exhorte à vous préparer au pire. Je sais ce que j’endure et à quel point ma santé se détériore. Ce n’est pas une décision facile à prendre, elle n’est pas non plus facile à annoncer. Elle n’est ni agréable à entendre ni à accepter, mais c’est l’unique moyen de lutter, et je suis déterminé à aller jusqu’au bout, étant conscient de tout ce qui pourrait m’arriver. Je n’en peux plus de cette justice à double vitesse, qui a pour seul but de me détruire.

Merci pour tout ce que vous êtes pour moi. Pour l’éternité, vous resterez gravés en moi et dans mon cœur. Soyez donc prêts au pire, et que rien ne vous surprenne.

René Capain BASSÈNE

Journaliste d’investigation

Écrivain

Expert du conflit casamançais

Redaction Africa7

Africa7 est une chaine de télévision et une radio généralistes sénégalaises qui misent sur l’éducation la culture et le sport. Elles ciblent une population francophone et anglophone, en priorité les femmes et la jeunesse de l’Afrique, de sa diaspora. Africa7 propose une grille des programmes complète qui allie modernité et indépendance.

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